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Techniques de la peinture - Techniques de la peinture


actif  Sujet n° 158  Huile cuite

le 31/08/2022 - 06:43
par Delac4

Delac4

22 messages

Bonjour Catherine,


"Je suis en train d’écouter les  cours de Philippe Walter au Collège de France, notamment le cours « Formuler la matière pour créer de nouveaux effets artistiques » : https://www.college-de-france.fr/site/philippe-walter/course-2014-03-31-10h30.htm dans lequel il évoque, à la 39e minute du document, les premières recettes de peinture à l’huile, comprenant la préparation de l’huile noire, et d’une huile cuite à  l’oxyde de plomb mais dont la cuisson a été maintenue à 100° par l’ajout d’eau, pour produire une huile beaucoup plus claire. Qu’en pensez-vous ?"

 

Il se base sur la thèse de Laurence de Viguerie, qui date de 2009, appuyée elle-même sur l'ouvrage de Maroger. Je cite un passage de cette thèse dans mon propre ouvrage.

 

Concernant les formules discutées sur la page que vous me faites parvenir :

1) Huile + 20 % PbO (cuisson 2 h à 150 °C) ;

2) Huile + 25 % PbO + eau (cuisson 2 h à 100 °C).

 

La première est inutilement (dangereusement) riche en plomb. Elle évoque les recettes d'huiles sursiccativées au plomb typiques de la peinture française du XIXème siècle. On en connaît les résultats catastrophiques (certains Delacroix, Géricault, Prud'hon). Un pourcentage de plomb bien plus faible suffit largement à obtenir le résultat attendu.

 

La seconde est encore plus chargée en plomb. On retrouve les recettes de Mérimée. Celui-ci va jusqu'à 33 % de plomb ! Qui dit mieux ? Yvel, que vous avez peut-être déjà eu l'occasion de lire, est nettement plus raisonnable,  mais il est souhaitable de descendre encore plus bas. Voyez les recettes d'huiles cuites dans le chapitre 16. de mon ouvrage : "Les huiles noires").

 

Quant à la cuisson en présence d'eau, dont je parle aussi dans mon ouvrage (voir chapitre 17. : "Les huiles cuites sur l’eau"), si elle favorise bien la combinaison du plomb à basse température, donc la pâleur de l'huile obtenue, elle tend à provoquer une saponification très (trop) intense de celle-ci, potentiellement problématique. La fabrication du savon de Marseille suit une procédure analogue. Mais il s'agit, en l'occurrence, de fabriquer du savon, justement, pas de préparer une huile !

 

Par ailleurs, la température de cuisson, fort basse, ne favorise nullement la durabilité du film pictural obtenu. On ne peut parler vraiment d'une huile cuite, plutôt d'une simple huile chauffée. Concernant, enfin, la pâleur de départ, cette faible température de cuisson ne permet pas à l'huile de débuter sa polymérisation. Elle n'empêche donc pas son jaunissement et son assombrissement futurs. A l'inverse, Paillot de Montabert, dans son ouvrage de 1824, donne sa préférence à une huile sombre au départ mais qui, du fait de sa photosensibilité, acquise par une préparation à haute température bien conduite, va en éclaircissant (voir, dans mon ouvrage, le chapitre 16.1. : "La coloration des huiles noires"). Depuis l'impressionnisme, la plupart des peintres, des auteurs d'ouvrages techniques et des fabricants de produits Beaux-arts se sont focalisés sur la pâleur des huiles à usage artistique. Ce souci est compréhensible, mais il est basé sur une conception erronée de l'évolution des huiles lors de leur siccativation. D'où l'importance de comprendre la manière dont ce processus s'opère, ce dont je traite en détail dans le chapitre 7. : "Le processus de siccativation des huiles à peindre".

 

Bref : deux recettes à rejeter sans regrets !

 

Le problème est toujours le même. Ces "experts", qui parlent peinture, n'ont jamais tenu eux-mêmes un pinceau. Ils en restent à un discours théorique, qu'ils reprennent de recherches précédentes, les reformulant et donnant ainsi à penser qu'ils présentent des nouveautés. Ceci étant, les recherches originelles restent intéressantes, bien qu'elles ne se fondent que rarement sur le concret de la mise en œuvre, sur l'expérimentation en situation picturale vraie. Elles permettent, en effet, à la peinture de s'appuyer sur des données scientifiques, même si celles-ci peuvent être plus ou moins déconnectées de la réalité du métier de peintre. Que la science se penche sur les aspects physiques et chimiques de la peinture ne peut que lui apporter. Il demeure qu'il faut prendre ses conclusions avec un grand sens critique.

 

Bien cordialement,


Christian

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