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Forum - Sujet n°65

Sujet n°65  -  Recherches en technique de la peinture (suite)
    -  par Delac3 le 09/06/2017 - 12:44

(Suite)

 

Expérimentations
J'ai donc fait quelques cuissons (un peu cramée sur la première, content de pas avoir mis tous les oeufs dans la même casserole), ai sans plus attendre, prélevé différents échantillons pour voir si la réaction "gel" se faisait et qu'est-ce que cette matière intriguante au bout du pinceau ? Délicieux. Fortement jaunissant bien sûr, avec une huile cuite 48h plus tôt, à peine filtrée, mais j'ai enfin pu découvrir cette matière et commencer les expériences sans devoir trop en compter chaque goutte.


Testé différents filtrages avec des terres... étonnant.


Même conclusion que vous, aussi belle soit l'huile à la sortie, ça n’empêche pas son jaunissement, c'est cosmétique.

 

C'est pourquoi il ne faut pas se fier uniquement à l'apparence d'une huile achetée en boutique. Elle peut paraître très belle, très pâle dans son joli flacon souvent orné, de plus, d'une magnifique étiquette évoquant un glorieux passé pictural. Quel résultat va-t-elle donner à l'emploi et au bout de quelques mois ou années ? C'est une autre affaire. Je préfère, personnellement, partir de produits de qualité, mais bruts, auxquels j'applique des traitements que je maîtrise afin de savoir vraiment ce que j'ai sous mes brosses.

 

Ca aide un tout petit peu mais rien de flagrant sur mes quelques tests. Réaction différente avec l'oeillette qui semble être plus lourde... Bon sans grand intérêt. Il semble que les huiles (liquides) traitées sont devenues opaques, bien que c'était les plus limpides il y a 1 an... bizarre.

 

Une huile mal démucilaginée perd sa limpidité en fonction de la température ambiante. C'est aussi le cas si elle contient un restant d'eau du fait d'un traitement précédent ou parce qu'elle a été stockée en présence d'un air plus ou moins humide.


Il est difficile de trouver des infos sur ce genre de "sauces" sur le net et elles peuvent être contradictoires, alors un peu comme dans mes habitudes, j'essaye et n'hésite pas à dépasser les limites.

 

Comme dans beaucoup de domaines, on trouve tout et son contraire sur Internet. Ainsi, dans le champ pictural, beaucoup de sites ne sont que des copier-coller d'autres sites. Leurs auteurs ne font donc que colporter des informations qu'ils n'ont pas vérifiées. Je pourrais vous citer nombre d'exemples. Si l'on a quelques connaissances, on s'en rend très vite compte. Maintenant, il est aussi vrai que l'on peut trouver des informations utiles sur Internet, mais tester, expérimenter soi-même, même si cela demande du temps, demeure la seule manière de vraiment savoir ce qu'il en est et de quoi on parle.


Cela fait environ 1 an que j'ai commencé toutes sortes d'expérimentations, d'oxydation dans la pénombre ou à la lumière, teste quelques siccatifs dont je dispose... et aussi près d'un an que je n'étais pas revenu sur votre site. Vous avez ajouté pas mal d'infos depuis, cela répond à quelques questions ou corrobore avec mes maigres conclusions.

 

La recherche n'a pas de fin. J'avance en fonction des idées qui me viennent, des essais que je mène, de mes lectures, de mes rencontres aussi. Et de mes échecs et insatisfactions tout autant, car tout n'est pas réussite, loin de là. Si vous saviez... Un exemple : je travaille avec un certain nombre de jeunes élèves. Vous comprendrez sans peine que leur faire utiliser un vrai médium traditionnel puisse poser problème. Aussi, à leur usage, je pars de médiums du commerce que je modifie pour les rendre plus sympathiques à l'emploi. Cependant, soumis à la tyrannie de la réglementation qui évolue sans cesse, les industriels modifient aussi constamment leurs produits, sans d'ailleurs en avertir les utilisateurs. Aussi suis-je obligé, à leur suite, de faire évoluer mes modifications. Las de ces changements incessants, j'ai donc décidé de produire moi-même un bon médium gélifié "lead free". Travail ardu : j'en suis à la variante n°27 !

 

Dans les différentes expériences stupides, je teste un vernis gel à l'oeillette. Ca gélifie, c'est limpide... mais pour l'instant, je ne sais absolument pas en combien de temps cela durcit ni comment ça vieillit et encore moins si la matière est agréable. L'emploi de siccatifs supplémentaires me semble inévitable.

 

Parmi les huiles courantes, les plus intéressantes pour la production d'huiles cuites demeurent celles de noix et de lin. Ce sont les deux huiles qui répondent à la tradition. Des générations de peintres les ont testées. On peut leur faire confiance. Il est possible de cuire d'autres huiles d'emploi plus récent, ou plus exotiques, mais uniquement pour des recherches très pointues.

 

Combinaison de différentes huiles ? hum... ça devient compliqué d'en mesurer les résultats mais j'aime beaucoup l'expérience comme vous pourrez le constater. 

 
Le repos
Hyper enthousiaste, j'ai regardé mes huiles 3x par jour durant les premières semaines, comment se déposait lentement la litharge, la délicieuse couleur ambrée...
Clair qu'on s'en lasse s'il faut attendre 18 mois wink C'est donc par le repos et le temps que j'espère tirer quelque chose de cette huile.

 

Plus une huile cuite vieillit et décante, meilleure elle est. Mais il faut la conserver à l'abri de l'air, sinon, elle épaissit très vite. J'en ai en réserve qui ont déjà une dizaine d'années. Elles deviennent dorées avec le temps. Une merveille ! Un mois de décantation avant emploi est le minimum à respecter.

 

C'est intéressant de voir le dépôt qui se fait avec le temps. La litharge au fond, ça ok, vu le poids.

 

Quand un procédé est au point, il ne doit plus y avoir, a priori, d'additifs non combinés. Si tel n'est pas le cas, soit le processus en lui-même n'est pas optimal, soit il n'était pas utile d'en mettre une telle quantité. C'est ce que l'on constate, par exemple, dans le procédé de cuisson de l'huile de noix rapporté par Claude Yvel dans son ouvrage maintenant bien connu : il termine en filtrant la litharge non combinée. Il y a clairement quelque chose à redire à cette opération finale. Sans parler, par ailleurs, de la pollution résultante. Car que va-t-il faire de son filtrat ?

 

De même, dans votre processus : logiquement, il ne devrait pas y avoir de dépôt de  litharge.

 

Ce qui m'intrigue, c'est le dépôt qui se fait sur les parois des bouteilles.

Tout à fait normal semble t-il, mais vous avez une idée de ce que c'est ? Serait-ce du mucilage ?

 

D'une cuisson à l'autre, même avec des produits et un processus apparemment analogues, les dépôts peuvent être différents, à la fois quant à leur apparence, mais surtout quant à leur quantité. En cause, la pluralité de paramètres en jeu. Il est très difficile de prévoir exactement ce qui va se passer. J'en suis moi-même toujours surpris. On peut observer des dépôts variés au fond du bocal, parfois sur les parois, et même, occasionnellement, des produits en flottaison. Votre hypothèse est donc intéressante, mais je n'ai pas de réponse claire à y donner. Il faudrait que je teste la cuisson d'une huile non démucilaginée. Expérience à tenter...

 

Que pensez-vous de ce procédé ?
60 gr de litharge par litre, 2h de cuisson en dessous de 100°, 18 mois de repos à la lumière.

 

Il existe quantité de recettes. A chaque fois, les résultats sont différents. D'où la richesse de ce champ d'expérimentation. Vous aurez noté que je propose moi-même différentes variantes d'huiles cuites. Je les obtiens bien évidemment en jouant sur le processus de cuisson et les différents paramètres en jeu : température, durée de cuisson, nature et quantité des additifs.

 

Maroger lui aussi propose différentes procédures. Selon ses écrits, il passe de l'une à l'autre. Cela lui a d'ailleurs été reproché. Mais, pour qui a goûté à la recherche, cette hésitation est, au contraire, l'essence même de la recherche. Si tout était définitivement donné, simple et carré, il n'y aurait rien à rechercher et, au passage, le monde serait bien fade...

 

Concernant la version du médium Maroger que je produis : http://www.atelier-des-fontaines.com/christian-vibert/articles.php?lng=fr&pg=106, j'ai donc sélectionné l'une de ses recettes. Cependant, je l'ai modifiée pour rendre le produit obtenu plus stable. Je ne pouvais, en effet, me permettre de mettre en tube et commercialiser un produit dont la durée de conservation n'est que de l'ordre de 6 mois. Ce qui est le cas, par exemple, du vernis-gel proposé par Yvel et actuellement commercialisé par Kremer.

 

Concernant maintenant le produit que vous obtenez selon votre propre procédure, s'il vous convient, vous avez la réponse à votre question. La seule remarque que je formulerais serait de tenter de diminuer la quantité de litharge en jeu, de manière à éviter son dépôt qui signe clairement sa non-combinaison.

 
Les bouteilles reposent sur le bord de la fenêtre, le côté Nord n'est pas un avantage. Durant le we, j'essaye de les exposer un ptit coup côté sud dans l'allée, je conçois d'accéder au toit en passant par une fenêtre semi bloquée pour exposer quelques bouteilles en plein soleil, avec bac de récup en cas de problème, fiche de sécurité, qu'est-ce que c'est, appelez-moi, touchez pas, etc.

 

Il faut que je pense aussi à comment revenir de ce toit sans me casser les côtes smile Je pense pas que cela va tenir plus de 15 jours sans un problème avec le concierge qui panique ou un violent orage qui renverse tout.
 
Ca c'est de la production artisanale ! :-D

 

Effectivement ! C'est même de l'acrobatie ! Que ne faut-il pas faire au service de l'Art !

 

A chacun selon ses possibilités. Me concernant, j'expose mes huiles sur le muret de ma descente de garage. Au début, cet alignement de flacons de toutes couleurs a intrigué les voisins. Depuis, me connaissant, ils se sont faits à mes excentricités. Mes huiles bénéficient ainsi du soleil durant une bonne partie de la journée... quand il y en a. En Normandie... Mais même une lumière non directe est bénéfique ; moins efficace, certes, mais une orientation nord reflète quand même des UV, donc demeure utile. 
 
 
Les UV
Etant donné mes méthodes de fabrication parfaitement douteuses, le manque de soleil direct, ça fait des mois que je me pose la question si un traitement aux UV artificiels ne seraient pas un truc à tester. Cela n'a pas le punch du soleil mais ça permet une exposition h24/365.
 
Est-ce que ce genre d'idée farfelue vous est passée par la tête ?

Ha, oui je viens de voir sur "Le laboratoire" que c'est en prévision, c'est pas si farfelu alors wink

 

Tout à fait. C'est d'ailleurs ce que font les luthiers contemporains pour siccativer leurs vernis en intérieur, à l'abri de la poussière. Mais je n'ai pas encore eu l'occasion de m'y atteler.


Génial ou parfaitement stupide, c'est un truc de plus que j'ai envie d'expérimenter. Failli craquer pour une antiquité aux puces, un truc médical vieux d'un siècle, mais le vendeur ne savait pas s'il fonctionnait.

 

Dans ce cas, effectivement, mieux vaut s'abstenir.

 

Est-ce que vous avez une idée de quel type d'UV est actif dans ce processus ? A - B ?

Les moins dangereux sont les UV proches du visible, donc les UV A. Ce sont ceux qui nous donnent une jolie couleur dorée durant les vacances. Ils sont suffisants pour obtenir l'effet d'éclaircissement souhaité sur les huiles. Les UV B, eux, nous transforment  en écrevisses. Ils sont, bien entendu, tout à fait efficaces sur les huiles, mais déjà nettement plus agressifs pour nous. Attention, en particulier, pour les yeux ! Autant donc s'en dispenser.


A mes très courtes expériences entre une oxydation à la lumière ou dans la pénombre, il me semble que ce processus de jaunissement est partiellement réversible. J'ai repris quelques bandes tests qui on passé 4 mois dans l'obscurité, les ai partiellement recouverts de carton noir et re exposés à la lumière durant 3 mois. C'est flagrant.

 

Tout à fait. Les huiles cuites au plomb sont devenues photosensibles. Elles éclaircissent considérablement à la lumière. C'est pourquoi, en particulier, il n'y a pas à craindre de travailler avec elles, même si, au départ, leur coloration est, globalement, soutenue. Voyez ce que j'en dis ici : http://www.atelier-des-fontaines.com/christian-vibert/faq.php?lng=fr ; Question : Les huiles cuites sont souvent très colorées. N'est-il pas gênant de travailler avec des huiles aussi sombres ?


1ère conclusions, les oeuvres ne sont pas faites pour dormir dans des coffres wink

 

Exact ! Et un coup de pied aux fesses des investisseurs qui préfèrent entreposer leurs précieuses acquisitions dans des coffres plutôt que d'en faire bénéficier les visiteurs !


Une question vient ensuite, durant combien de temps les huiles sont elle soumises à de telles réactions aux UV ?
Difficile d'y répondre vu le nombre de facteurs mais est-ce que des oeuvres qui ont de 50 à 300 ans sont toujours sujettes à ce phénomènes ? Est-ce que dans la restauration, la conservation, des UV sont utilisés?

 

Le processus d'éclaircissement des huiles n'est réellement efficace que durant la phase de siccativation. Cependant, avec l'huile, tout est en général lent, voire très lent, surtout si les pâtes posées sont épaisses. On peut donc estimer qu'il est efficace durant une dizaine d'années.
 

Liant aqueux
Pour le liant aqueux, je serai presque prêt à parier 1 E symbolique que c'est du Tylose MH300 wink Pas tout à fait sûr, chuuut! J'en parlerai pas sur le forum si un jour j'avais quelque chose d'intelligent à y écrire wink
Ce liant non jaunissant est étonnant, j'en suis arrivé à toutes sortes d'autres tests, bricole sur des pâtes de structure utilisables avec de l'eau, de l'huile, du vernis gel. Tests et séchage insuffisants pour en parler.

 

Vous voyez, je publie moi-même votre hypothèse ! J'ai essayé quantité de liants aqueux. Tous ont des caractéristiques différentes et sont intéressants par eux-mêmes. Occasionnellement, il m'arrive d'ailleurs d'utiliser des liants variés : colle de peau, œuf, caséine... Si je me suis arrêté sur celui que j'emploie pour les produits que je commercialise, c'est qu'il s'agit du plus polyvalent et facile à mettre en œuvre que j'ai pu tester. Mais d'autres produits peuvent offrir des effets spécifiques tout à fait intéressants. La Tylose est l'un d'eux.

 

Siccatifs additionnels
Je me suis posé pas mal de questions à ce sujet et aussi du danger, contre productif, d'un film surfacique qui sèche trop vite et empêche l'oxygène d'atteindre les profondeurs. Merci pour ces explications.
Oxyder l'huile, pas de problème, mais comment faire durcir la résine plus rapidement?
Le cobalt semble avoir un effet sur la résine dissoute (sans huile) contrairement au Courtrai blanc.
Ca, je pense que c'est ce qui me serait le plus utile dans vos produits.

 

Les résines utilisées en peinture artistique ne siccativent pas. Elles sèchent par évaporation de leur solvant. C'est donc de sa vitesse de vaporisation que dépend le temps de prise du vernis. Il n'y a donc aucun intérêt à leur ajouter un siccatif.

 

Démucilage
C'est par là que se situent mes questions actuelles. Comment vais-je procéder pour ma prochaine cuisson ?
Vu le temps que cela prend, il faut que je m'y remette pour avoir un peu d'huile dans 2 ans.

J'envisage un traitement à l'acide citrique, relativement doux à priori.
Absolument aucune idée de la concentration ni du résultat, je vais tester en éprouvette, histoire de voir ce qui se passe.
Je pense chauffer l'huile vers 80°, y ajouter une solution d'acide, secouer bien fort sans en faire une émulsion et laisser reposer.
J'en extrait l'huile, refait un passage à l'eau.

Filtrage avec 2 filtres à café, éventuellement, j'en traite une partie à l'attapulgite et procède à la cuisson.

Est-ce que c'est complètement stupide ?

 

Il en est des recettes de démucilagination artisanales des huiles comme des recettes de cuisson : elles sont multiples, plus ou moins contraignantes, plus ou moins rapides, et pour des résultats plus ou moins efficaces et variés. Celle que vous décrivez semble intéressante. Où l'avez-vous trouvée ?

 

Si ça fonctionne, la difficulté va être de séparer eau/huile/mucilage sans matériel adéquat mais ça doit pouvoir se bricoler.

 

Servez-vous d'une ampoule à décanter. L'opération prend un peu de temps, mais cet appareil n'est pas si onéreux que cela.

 

Christian VIBERT

 

(La suite sur le document suivant)



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