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Historique des procédés ; les médiums gélifiés
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Christian VIBERT Le petit pêcheur Huile sur toile marouflée sur panneau |
Des médiums historiques au service de la peinture contemporaine
Issu de recettes très anciennes du XVIème et XVIIème siècles, les différentes versions du médium gras gélifié à la manière flamande sont des produits de fabrication artisanale, élaborés avec le plus grand soin et en petite quantité à partir de matériaux traditionnels. Ces médiums permettent d’approcher la manière des peintres flamands de l’âge d’or de la technique à l’huile, tels Rubens ou Van Dyck. Mais ils ne sont pas réservés à la reproduction d’œuvres anciennes. Pour le peintre contemporain, ces médiums autorisent la plus grande liberté de facture, depuis les traces de brosse laissées à vif jusqu’aux modelés (10) les plus fins, depuis la pose de pâtes généreuses et opaques jusqu’aux glacis (1) les plus transparents. Le travail peut être mené par étapes successives ou enlevé en une seule séance (technique du "fa presto").
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Christian VIBERT La pêche au bord du Renom Huile sur toile marouflée sur panneau |
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Christian VIBERT La pêche au bord du Renom (détail) Huile sur toile marouflée sur panneau |
Les médiums gras gélifiés à la manière flamande sont obtenus à partir d’une huile de lin suédoise de première pression à froid (4), de haute qualité, et traitée à l’atelier. Sans être standolisée (cuite à très haute température en l’absence d’air), ce qui favoriserait l’obtention de glacis (1) tendus et l'arrondi de la touche, mais nuirait à la tenue des empâtements (5), l’huile est préalablement partiellement polymérisée (6) par une cuisson à l’air à haute température. Son onctuosité est accrue, mais aussi sa siccativité (3), sa résistance et sa transparence. De plus, la tendance naturelle des huiles au jaunissement lors de la siccativation (3) est minimisée.
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Une des versions du médium gras à la manière flamande |
Dans un second temps, l’huile prétraitée est de nouveau cuite, mais avec des additifs (7) de manière à stabiliser ses réactions en présence de vernis, à accentuer encore sa siccativité (3), et à lui donner la capacité de gélifier. Cette seconde cuisson est opérée à basse température afin de minimiser la coloration de l’huile. En effet, bien qu’appelée « huile noire » dans les textes, filtrée, puis laissée à décanter plusieurs mois au soleil, elle acquiert une apparence chaude et ambrée particulièrement esthétique.
Par ailleurs, l'huile ainsi traitée devient photosensible. En effet, contrairement à une huile crue qui jaunit en siccativant, l'huile "noire", malgré son appellation, pâlit de manière remarquable si l'on prend la précaution d'exposer le tableau à la lumière durant son séchage. Ainsi, la coloration chaude de l'huile après traitement ne nuit aucunement à la fraîcheur du résultat final. C'est pourquoi les Anciens, bien que recherchant comme nous-mêmes, peintres contemporains, à obtenir des liants les plus pâles possible, n'ont pas hésité à l'employer.
Parallèlement, un vernis est composé par dissolution à basse température de résine naturelle dans de l’essence de térébenthine rectifiée. Ce vernis est lui-même filtré et mis à décanter durant plusieurs semaines.
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Un médium gélifié qui se fluidifie sous le mouvement de la brosse |
Dans un dernier temps, ces deux liquides sont mélangés à froid. La gélification s’opère en quelques minutes. Un dernier malaxage permet d’homogénéiser les composants, d’accentuer le brillant du médium et de vérifier sa thixotropie (8), c'est-à-dire sa capacité remarquable à passer quasi immédiatement de la phase gélifiée à la phase liquide sous l'action de la brosse. Au repos, le gel se reforme.
Parfaitement transparents, les médiums gras présentent une coloration légèrement dorée. Ils sont remarquablement stables : ils ne se liquéfient pas ; ils ne granulent pas lors de leur stockage même prolongé. Emballés dans un tube d'aluminium vernis à l'intérieur et équipé d'un film étanche à sa pliure, les médiums gras peuvent être conservés sans aucune difficulté durant de longues années.
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Christian VIBERT La prière Huile sur toile marouflée sur panneau |
Caractéristiques et durabilité
Les couleurs mêlées de médium flamand ne plissent ni ne craquent. Je possède des toiles exécutées depuis bientôt 40 ans avec l’ancien médium flamand Lefranc qui n’ont ni jauni ni craquelé. On les croirait peintes d’hier. Quant à celles exécutées avec les médiums gras Atelier des Fontaines recomposés, elles sont bien parties pour suivre la même évolution. Les plus anciennes ont maintenant une dizaine d'années et aucune n’a subi ni dommages ni modifications.
Par ailleurs, la siccativité (3) que les médiums gras communiquent aux pâtes est remarquable. Les couleurs sèchent en profondeur, non pas uniquement par la surface, au risque de donner naissance à une peau sèche sur un fond demeuré mou, sorte de "chausson aux pommes", prémices de tous les désordres picturaux bien connus : plissement, craquelures, décollement de la couche picturale... Pour des touches légères, il est souvent possible de reprendre le lendemain. Pour les pâtes très épaisses, suivant les conseils du peintre et pédagogue bien connu, Xavier de Langlais, un délai de deux semaines sera l’idéal. C’est celui que je m’impose par conscience professionnelle. Mais il m’est arrivé, par nécessité, de devoir reprendre plus tôt sans que nul souci ultérieur n’ait sanctionné ma relative précipitation. En effet, au bout de quelques jours, les touches même très riches en médium gras ne présentent quasiment plus de poisseux résiduel, défaut que l’on peut constater avec certains médiums de composition proche, à l'huile de noix, qui provoquent inévitablement l’apparition d’embus (9) lors d’une reprise trop rapide. Ces zones devenues mates par l’absorption non désirée du liant d’une couche supérieure par une couche de couleur sous-jacente sont quasiment inconnues avec l’utilisation des médiums gras. L’huile, figée par la consistance gélifiée qu’ils communiquent aux couleurs, ne peut migrer dans les couches des dessous. Pour la même raison, on évite aussi la baisse des tons au vieillissement, phénomène quasi constant dans les œuvres peintes uniquement à l'huile crue, en particulier à partir de l'Impressionnisme et durant la première moitié du XXème siècle.
Cependant, la caractéristique la plus étonnante des médiums gras, est leur remarquable thixotropie (8). Quelle que soit la manière de les utiliser, purs ou dilués, ils permettent la prise immédiate de la touche. Même les glacis (1) les plus transparents, les plus liquides, ne présentent aucune coulure. Cependant, la reprise pour modeler (10) ensemble deux couleurs reste toujours très aisée par le simple mouvement de la brosse qui fluidifie de nouveau la peinture.
Et il y a plus : du fait de la gélification immédiate des médiums, la superposition de touches de couleurs, sans mélange, est très aisée ; exercice quasi impossible avec une pâte à l'huile pure, à moins d'empâter lourdement les touches supérieures. Ainsi, il est possible de superposer dans le frais une touche de lumière sur un fond sombre, ou l'inverse, sans qu'aucune des deux couleurs ne soit affectée. Plus de délai d'attente de quelques heures à quelques jours, voire quelques semaines, comme le recommandent nombre de manuels ; quelques minutes suffisent, le temps que l'essence qui a servi à faciliter la pose de la touche ait commencé à s'évaporer. Par contre, si le mélange ultérieur de deux touches de couleurs redevenait souhaitable, tant que le séchage définitif ne sera pas intervenu, le simple mouvement de la brosse leur redonnera la mobilité nécessaire à leur fusion.
La facilité de manipulation des pâtes picturales additionnées de médium gras tient en fait à cette double caractéristique : les médiums gélifiés augmentent à la fois l'onctuosité de la pâte picturale, ce qui accroît les possibilités de mélange des couleurs, tout en lui communiquant un certain tirant, ce qui permet de contrôler très précisément le mouvement de la brosse. Plus de pâtes collantes ou coulantes, de touches trop rapidement prises ou, au contraire, gardant une consistance amorphe durant toute la séance de peinture. Modeler (10), superposer, fusionner les couleurs, jouer avec l'ombre et la lumière n'est plus un tour de prestidigitation réservé à quelque virtuose de la brosse. C'est tout simplement le résultat d'un travail spontané ou plus réfléchi, selon le tempérament de l'artiste, en une ou plusieurs séances.
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Christian VIBERT Jardin oublié Huile sur toile marouflée sur panneau |
Enfin, les médiums gras permettent de varier la composition de la matière picturale, caractéristique typique des techniques à l’huile abouties depuis la Renaissance, exploitée à la perfection entre autres par les écoles italiennes, flamandes et hollandaises. En effet, ces médiums présentent une parfaite transparence qui fait de ces produits le véhicule idéal pour poser des glacis (1) minces ou plus épais. En ce sens, le peintre, en enrichissant plus ou moins ses pâtes de médium et en variant leur épaisseur ou leur dilution, dispose d’une incroyable variété d’effets qui lui permettent d’exprimer toutes les gradations lumineuses. Les ombres minces, transparentes et profondes voisineront avec l’épaisseur, l’opacité et le rehaut des lumières. Entre les deux, de subtiles transitions opalescentes (11) pourront servir d’intermédiaires. Ce faisant, on alternera les tons chauds et les tons froids. C’est toute la magie d’un Rubens disponible sous le regard et les doigts d’un peintre habile. Les médiums gras gélifiés à la manière flamande ne font pas le talent ni, a fortiori, le génie ; mais, du moins, ils ne les entravent pas !
Ainsi, à travers la redécouverte de ces médiums disparus pendant plusieurs siècles, il se vérifie que ces produits, qualifiés par certains de "rêve de peintre", et qui laissèrent pantois plus d'un artiste, à commencer par le jeune Delacroix copiant Rubens, étaient bien une réalité. Certes Rubens, Rembrandt ou Vélasquez possédaient leur métier à la perfection, mais ils avaient aussi à leur disposition des matériaux sans comparaison possible avec ceux dont disposeront les générations suivantes. Il ne tient qu'à nous, peintres contemporains, dorénavant, de relever le défi !
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Christian VIBERT La source
Huile sur toile marouflée sur panneau |
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Christian VIBERT La source (détail)
Huile sur toile marouflée sur panneau |
De manière à favoriser les modelés (10) et l’adhérence sur un fond neuf ou déjà travaillé, il est conseillé de débuter ou de reprendre l’exécution sur un fond humecté de médium fortement dilué. On évite ainsi les craquelures de retrait et, dès l’abord, on contribue à la parfaite siccativité (3) des jus (12) ou des couleurs posées en couches de fond.
Pour la poursuite du travail, il est possible d’employer les médiums seuls, directement mélangés avec des couleurs à l’huile en tube ou, à l’ancienne, avec des pigments broyés à l’huile crue ou cuite, à la main. La quantité de médium à introduire dépendra de la transparence à communiquer aux couleurs.
On peut aussi sans problème diluer les médiums à l’essence de térébenthine. Sur un support du type enduction universelle vinylique ou acrylique, ou sur un enduit traditionnel à la colle de peau et à la craie, la dilution conseillée est :
- En tant que vernis à retoucher : 1 volume de médium pour 4 à 6 volumes d’essence de térébenthine ;
- Comme médium d’ébauche ou pour avancer le travail : 1 volume de médium pour 2 à 3 volumes d’essence ;
- Comme médium de finition, en particulier pour les glacis : 1 volume de médium pour 1 à 2 volumes d’essence.
Mais il est aussi possible, en finition, d'employer les médium purs, non dilués, de manière à poser de légers empâtements parfaitement transparents et d'une grande profondeur à la manière, par exemple, d'un Rembrandt.
Conseil : Pour la dilution, éviter les essences de pétrole, tant à évaporation lente que rapide, qui tendent à précipiter les résines naturelles.
Date de création : 28/04/2012 - 15:37
Dernière modification : 23/07/2022 - 12:16
Catégorie : Généralités
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